Je ne suis pas certaine de devoir regretter complètement cette situation. Les internautes que nous sommes devront apprendre à faire leur propre tri dans toute cette masse, avec leurs propres critères. On en revient à la théorie de la longue traîne. Pourquoi seul un choix serré d'informations serait-il diffusé massivement comme c'est le cas avec la presse traditionnelle? Finalement tout n'intéresse pas tout le monde. On peut aussi plus facilement échapper aux sujets massue comme les grands rendez-vous sportifs, quand on n'est pas passionné.
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Mais quand on transpose cette idée à l'art ou à la culture, la perspective devient tout autre. Contrairement à l'information virtualisée, le musée virtuel a été pensé bien avant Internet. On connaît des tentatives anciennes déjà de dépasser le musée de brique et de ciment ou la collection finie.
Ces tentatives font en principe appel à des substituts de l’original. Le « museo cartaneo » (musée de papier) de Cassiano dal Pozzo en constitue un exemple intéressant . Ce dernier, aristocrate et intellectuel romain qui a vécu entre 1588 et 1657, a réuni et fait réalisé une collection d’environ 7000 aquarelles, dessins, imprimés. C’est probablement la plus importante tentative de réunir le savoir humain sous forme visuelle avant l’invention de la photographie : l’histoire de l’art, l’archéologie, la botanique, la géologie, l’ornithologie et la zoologie y sont documentées.
Les musées des moulages en sont un autre exemple. Ils réunissent des substituts sous forme de copies de plâtre. Prenons un cas concret pour comprendre le but et l’utilité de ces musées. Le décor du Parthénon est dispersé dans plusieurs musées dont le Louvre à Paris, le British Museum à Londres, le Musée d’archéologie de Palerme et, bien entendu, le musée de l’Acropole à Athènes. Ce dernier contient des copies de la plupart des métopes et des frontons. Mais l’ensemble du décor sculpté a été réuni, sous forme de copies en plâtre, à la Skulpturhalle de Bâle.
Mais c'est Malraux qui a vraiment pensé le concept de musée virtuel en le situant dans notre imaginaire. Au cours de notre existence et de nos expériences (voyages, lectures), nous accueillons dans notre mémoire (avec l'aide de support comme les photos parfois) un musée immense, mais virtuel. Ce musée, nous pouvons l'appeler à chaque instant, l'actualiser, l'augmenter, nous y promener, le faire partager à d'autres ou s'organiser de petite expositions temporaires personnelles.
Mais Internet nous livre des outils permettant de faire la même chose: il contient une immense collection d'oeuvre et d'objets. Il offre des possibilités de réunir des petites collections issues de la grande collection, grâce aux moteurs de recherche (généralistes ou spécialisés). Il autorise la réunion d'ensemble dispersés, comme toutes les oeuvres d'un peintre (nous avons donné l'exemple de la réunion de l'oeuvre de Picasso), d'une école, d'une période. Les sources les plus diverses nourrrissent ce musée virtuel: les musées eux-mêmes bien entendu, les universitaires, les passionnés, sans oublier les nombreux visiteurs de musées qui, après avoir visité le Louvre ou le Prado, téléchargent leurs images sur Flickr.com. Le musée virtuel est là, sous nos yeux. Il permet de dépasser ces cloisons artificielles que sont les collections muséales, issues de divers hasards. Il autorise chacun à créer son propre musée, à être son propre curateur. Dans l'art ou la culture, plus qu'ailleurs, les goûts sont divers. Chacun trouvera dans ce musée sans conservateur officiel ce qui satisfait son goût, sans devoir subir le jugement ou le choix d'institution. Cela permettra de confronter les oeuvres et les styles les plus divers, ouvrant peut-être la voie à une nouvelle compréhension de l'art ou de la culture. Gaudeamus igitur!
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