http://blog.oup.com/2009/11/unfriend/
L’amitié est souvent considérée comme un sentiment solide, indéfectible et plus durable que l’amour. Seule la mort peut le délier, comme le souligne Georges Brassens dans sa chanson “Les copains d’abord”: “Quand l’un d’entre eux manquait à bord, c’est qu’il était mort”. Les technologies de l’information et de la communication ont provoqué des changements importants dans les relations humaines. Il faut cependant faire quelques nuances. L’individualisme et les pratiques de consommation y sont aussi pour quelque chose, de même que la disparition progressive des lieux de socialisation. Le téléphone portable et Internet ont certainement amplifié le phénomène et lui ont donné une dimension qu’il n’aurait pu atteindre autrement.
Qui est donc l’objet de cette action “unfriend”: l’individu de chair et de sang ou son double numérique? A qui se lie-t-on à travers les réseaux sociaux sur Internet? A la personne ou bien à son profil? Les sentiments qui se sont construits par le biais de moyens techniques semblent toujours plus commutables que ceux qui se sont noués dans la vie réelle. Bien avant qu’Internet ne devienne un phénomène aussi important, Philippe Léotard chantait:
mainten’ant j’te rembobine
j’te reset pas, j’te rewind,
j’te pause, j’te stoppe j’t'ejecte
j’te forward, j’te play plus.
t’es plus ma copine,
t’es plus mon amour,
t’es plus présente dans mon avenir
Dans ce texte, la métaphore technologique rend la rupture plus simple, plus définitive. On n’a pas à affronter un regard, un cri, des larmes. Il suffit maintenant de presser sur un bouton, de cliquer, d’envoyer un sms. La lâcheté est au bout du fil. Le truchement des machines facilite le lien comme sa dissolution. Alors qu’avant Internet, la construction d’un réseau social était fortement contrainte par la géographie, la société s’est fortement virtualisée. Les études sur les réseaux ont montré que chaque membre est à quelques noeuds de tout autre. Potentiellement on peut être l’ami de tous. Par conséquent, à la moindre friction, on préfère aller voir ailleurs plutôt que d’essayer d’aplanir les difficultés.
On le sait, le maillon le plus faible détermine l’état du réseau. La volatilité des relations qui naissent à travers les technologies de l’information finissent par déteindre sur le reste de la société. Le sociologue polonais Zygmunt Baumann parle d’amour, de société liquide pour décrire la fugacité des relations à notre époque.
Est-ce une fatalité? Internet ne doit-il mener qu’à des relations humaines sans profondeur, sans durée? Pas forcément. Les individus devront réfléchir à leurs attentes plutôt que de consommer de la relation. Le Web peut aider à maintenir son réseau de connaissances réel. Nous avons tous des amis d’enfances, des copains qui habitent dans d’autres villes ou pays, des cousins éloignés. Les réseaux sociaux permettent de garder le contact avec ceux qui l’on connait déjà. Ils peuvent bien entendu renforcer les contacts professionnels.
Devant la raréfaction des lieux de socialisation, Internet est devenu également un espace de rencontre, aussi bien pour l’amitié que pour l’amour. Les liens qui se créent doivent bien se matérialiser. Les individus doivent bien se rencontrer. Avec le jeu des pseudonymes et des profils mystérieux, il est difficile de savoir si un ami habite à 1000 kilomètres ou bien dans le pâté de maison voisin, comme dans le film “Vous avez reçu un message”. Mais la géolocalisation commence à être intégrée aux réseaux sociaux. Nous avons déjà parlé du réseau Aki Aki. Cette application permet de trouver des gens qui se trouvent à proximité, grâce à son téléphone portable. Un nouveau réseau social fait fureur en Amérique du Nord: Foursquare. Il permet de donner de bonnes adresses et de créer des listes de choses à faire. Google prépare Favorite Places. Bien entendu, un téléphone portable est indispensable pour profiter de ces applications.
On en revient toujours à nos fondamentaux. La virtualisation n’a de sens que si elle est suivie par une actualisation. Peu importe que l’on rencontre quelqu’un dans un train, un café, un club de gym ou sur Internet. A un moment donné, il faut lui faire une place dans sa vie réelle. Mais consommer de la relation virtuelle, zapper sur des profils, cela n’apporte guère de satisfaction à long terme.
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