lundi 15 décembre 2008

La trame du temps

La muséographie classique s'aventure parfois en dehors des musées et occupe certains espaces comme des passages sous-voies ou des halls de supermarché. Ces escapades l'obligent à repenser un peu la manière dont elle présente ses objets. Néanmoins elle reste dans son élément fondamental, à savoir un espace, un lieu. La muséographie virtuelle en ligne doit, elle, complètement réinventer la présentation de ses objets. Elle n'a pas forcément de lieu où s'exprimer et si espace il y a, c'est celui de l'écran d'un ordinateur ou alors un espace virtuel. La question n'est pas tant d'attirer les visiteurs dans un lieu que de susciter une curiosité qui les fera passer un peu de temps devant leur écran. Dans la muséographie virtuelle en ligne, le temps est un critère décisif. Le temps de l'Internet est devenu une suite de moments plutôt qu'un temps linéaire ou un temps cyclique. Néanmoins chacun de ces moments peut être caractérisé, soit par rapport au calendrier classique (saisons, fêtes, etc.), soit par rapport aux périodes de l'existence (enfance, parentalité, retraite, etc.). L'intérêt du visiteur potentiel peut donc être mobilisé par le biais de ces éléments temporels. De plus, comme ce visiteur n'a pas à se déplacer, il peut consacrer une série de moments à un projet muséal. Ainsi le calendrier, sous toutes ses formes, peut structurer une exposition, au même titre que l'espace dans un musée classique.

Depuis quelques années, nous nous sommes intéressés au calendrier de l'avent comme une forme intéressante de muséographie en ligne. Tout d'abord, il s'agit d'une tradition bien ancrée dans la culture occidentale. Ensuite, le calendrier de l'avent s'appuie sur l'impatience dans l'attente d'un moment fort. Une série de petites surprises est censée atténuer cette impatience pour le moment où l'on recevra une grande surprise. La surprise elle-même suscite la curiosité: que découvrira-t-on derrière une porte? Que verra-t-on demain? Nous avons mené plusieurs expériences avec des calendriers de l'avent. La première consistait à utiliser un blog et à publier chaque jour un texte littéraire en rapport avec Noël muni d'une page de calendrier. La seconde expérience est celle du Calendrier de l'AVANT qui joue sur l'homonymie avant-avent. Pour rappel, le terme avent signifie l'attente. Le Calendrier de l'AVANT, qui en est à sa deuxième année, présente des aspects du passé lointain de l'homme. Chaque jour, il met en avant une découverte, une conquête (1ère année) de l'homme ou bien s'intéresse aux aspects plus immatériels de son histoire, comme l'amour, le deuil, le plaisir (2ème année). Derrière chaque porte se cache un montage graphique muni d'un titre et d'un petit texte.

Exploration

http://www.be-virtual.ch/adventcalendar/

Les échos que nous avons eus de cette expérience est que les gens trouvent agréables d'acquérir (ou de rafraîchir) des connaissances sur le passé de l'homme sous cette forme, légère et amusante.

Nous avons aussi installé un autre calendrier de l'Avent dans Second Life. Le projet s'intitule "24 Masters" et consiste à offrir 24 oeuvres picturales dont le thème est la Nativité: adoration des Mages, adoration des bergers. Les oeuvres proviennent du Moyen-Âge, de la Renaissance et de la période baroque. A côté de tableaux, on trouve aussi des enluminures de manuscrit et des dessins ainsi qu'un poème. Chaque oeuvre est accompagnée d'une brève notice. Visiblement quelques avatars cherchent à obtenir l'ensemble des oeuvres présentées. A la fin, les contenus de l'ensemble des portes seront disponibles.

Calendrier de l’Avent

SLURL: http://slurl.com/secondlife/Colonia%20Nova/56/163/38

En fait, tout ce qui est temporel se prête à un traitement muséographique en ligne. Les internautes sont prêts à visiter plusieurs fois un même endroit si une trame temporelle s'y déroule. Ils peuvent aussi être alertés par des fils de syndication et venir découvrir une nouveauté. La muséographie en ligne peut s'appuyer sur le rythme infernal de l'actualité sur Internet et utiliser les mêmes outils.

Un autre exemple de trame temporelle est la frise chronologique. On l'a déjà évoquée dans ce blog. Les sites muséaux l'ont déjà adoptée. La frise chronologique permet de présenter des oeuvres d'art ou des objets archéologiques sur une ligne qui correspond au temps. Mais on pourrait songer à d'autres formes comme le feuilleton. Du reste, le journal Le Temps lance ces jours un feuilleton consacré à un personnage méconnu de la grande histoire, Reynold Thiel:

http://www.letemps.ch/dossiers/2008thiel/

Le journal se réclame du genre du feuilleton, très en vogue dans la presse du 19ème siècle. Il faut avouer qu'Internet se prête particulièrement à un tel traitement.

Il est évident que la muséographie virtuelle en ligne induit un certain nombre de changements dans la présentation de ses objets. Le transfert d'une présentation dans l'espace à une trame temporelle en est un. Tout comme l'espace, le temps est porteur de dramatisation. Le théâtre classique ne réclamait-il pas cette unité de lieu et de temps, montrant par là une certaine équivalence de ces deux dimensions? Seul le théâtre est capable de les associer pleinement. Un musée réel est surtout un espace, mais la visite s'y déroule dans un laps de temps réduit. Le site Internet a l'espace étriqué de l'écran à sa disposition, mais il peut se développer dans le temps et même (avec un peu de programmation) jouer avec lui.

mercredi 26 novembre 2008

Second Mirror

Second Life donne à ses résidents une impression saisissante de réalisme. Alors que tout pourrait être fantaisie, les maisons et les infrastructures ressemblent beaucoup à ce qu'on voit dans le monde réel. On peut y acquérir l'équivalent en pixels de meubles, de vêtements, de véhicules. A la longue, on a l'impression qu'évoluer dans ce deuxième monde est assez semblable à vivre sa première vie. Pourtant certains signes ne devraient pas tromper. Que se passe-t-il par exemple quand on passe dans un miroir dans Second Life? Une chose extraordinaire qui ne devrait frapper notre imagination: le miroir ne réfléchit pas notre image. Il en va de même quand on se penche sur une surface d'eau ou bien quand on passe devant une surface vitrée.

Ce simple fait doit nous rappeler, si besoin est, que les mondes virtuels sont le fruits d'algorithmes programmés. Ils ont les caractéristiques du monde réel qu'on veut bien ou qu'on peut leur donner. Dans Second Life, la matière est une image de la matière réelle: elle n'en possède donc pas forcément les propriétés. Souvent les designer jouent sur des textures qui donnent une apparence identique. Mais des propriétés comme la réflexion des images ou les ombres devraient faire l'objet de développement dans le système lui-même. C'est du reste envisageable et on peut sûrement trouver des exemples de mondes virtuels avec des ombres ou des surfaces réfléchissantes. Cela peut par exemple être le cas dans le domaine des jeux sur ordinateur ou console, où le monde est plus limité et moins générique. Pour revenir à nos miroirs de Second Life, des designers ont tenté de réaliser des objets ayant la même fonctionnalité avec plus ou moins de bonheur.

Un bref retour sur une journée ordinaire montrera que nous sommes constamment soumis, dans le monde réel, à des surfaces réfléchissantes: à la maison, dans les restaurants, chez le coiffeur, etc... L'homme et son reflet ont une histoire complexe, remontant à l'époque où un humain s'est reconnu ou a reconnu l'un de ses semblables dans une mare. Divers contes et mythes montrent les relations complexes que l'homme entretient avec son miroir. La plus connue est probablement celle de Narcisse.

L'homme a essayé de construire des miroirs, tout d'abord en polissant la pierre, puis le métal. Puis le verre est arrivé. Si les miroirs de Second Life ne restituent pas notre image, Second Life constitue peut-être lui-même un reflet de notre propre. Le thème du miroir fait donc l'objet d'une exposition dans Second Life, plus exactement dans le Monastère du sim d'Alpine Meadow, sous le titre Second Mirror. L'exposition dans l'espace virtuel est doublée par un site Internet reprenant en partie sa scénographie.

Second Mirror - Affiche

SLURL: http://slurl.com/secondlife/Alpine%20Meadow/198/106/97

Site Internet: http://be-virtual.ch/mirrors/

Dans cette exposition, on peut s'immiscer dans trois fables ayant pour thème central un miroir ou une réflexion:

  • Narcisse qui tombe amoureux de sa propre image qu'il regarde sur une surface d'eau
  • La Méduse qui se pétrifie elle-même en croisant son regard dans son reflet sur le bouclier de Perseus
  • Blanche-Neige dont la belle-mère avait un miroir omniscient

Une saynète supplémentaire montre aussi le miroir brisé comme symbole de malheur: si un visiteur le casse par inadvertance, le miroir fait apparaître le message "7 ans de malheur".

Cette exposition permet aussi de se confronter à des miroirs semblables à ceux que nous confrontons dans notre quotidien, mais qui ne rendent aucune image. Le visiteur pourra aussi découvrir l'ingéniosité de certains développeurs qui ont tenté de tirer partie du système pour créer de pseudo-miroirs. Enfin, il découvrira les activités de résidents de Second Life qui se prennent en photos avec des surfaces supposées réfléchissantes, puis retravaillent ces images pour y ajouter un reflet. Deux oeuvres sont exposés, mais de nombreuses autres sont visibles sur Flickr:

http://www.flickr.com/groups/slmirrors/

Avatar and mirror

dimanche 16 novembre 2008

Voici venu le temps de l’hypermonde

Hyper

Après l’hypertexte, né dans les années 70, après l’hyperinformation constituée par l’enchevêtrement des connaissances à la fois dispersées et reliées sur Internet, voici venu le temps de l’hypermonde. Non content de numériser l’ensemble des contenus, les humains projettent leur ego numérique dans des mondes virtuels persistants et des réseaux sociaux. Par là, ils deviennent l’un des constituants d’une entité qui s’étale sur plusieurs niveaux : le substrat physique (tant qu’il lui faudra de l’électricité et des câbles), les connections logiques (protocoles, logiciels) et ce qu’on pourrait appeler – pour faire court – intelligence collective (ou conscience, si l’on ose). La Matrix est-elle en train d’émerger devant nous ? Plutôt que d’essayer de répondre à cette question, il faut s’interroger sur le devenir de l’individu dans l’hypermonde.
Pour mémoire, l’individu est une création récente de notre culture occidentale (de loin pas un phénomène général dans l’histoire de l’humanité). Il a commencé à émerger à la Renaissance et son règne culmine aujourd’hui au point que de nombreux réseaux sociaux traditionnels, en premier lieu la famille, sont atomisés par lui.

La socialisation dans l’hypermonde

D’un côté, Internet, à travers ses réseaux sociaux et ses mondes virtuels, permet de nouvelles formes de socialisation. Chacun peut avoir ses amis en ligne, des amis qu’il n’a peut-être jamais rencontré dans le monde réel, intégrer divers tribus dans les mondes persistants ou dans les communautés de jeu. On pourrait s’en réjouir et considérer que le Web joue le rôle de ciment social que l’état, la société, la famille ont perdu. Mais c’est ignorer la nature des relations nouées dans le monde virtuel que le philosophe Zygmunt Baumann qualifie de liquide. Elles sont soumises au zapping, comme l’information sur les chaînes de télévision ou sur des sites Internet : on ne s’attarde pas, on n’approfondit rien et, une fois que l’intérêt perdu, on passe à une autre relation.

La fragmentation de l’individu

D’un autre côté, Internet incite à poursuivre le processus d’atomisation que l’individualisme a entamé. Non content d’isoler l’individu, souvent en le maintenant des heures durant derrière son écran, le réseau lui permet encore de se fragmenter et de donner à ses différentes facettes une individualité propre. Dès lors, l’individu peut se scinder en autant de profils et d’avatars qu’il a de facettes. On peut se restreindre ici à la question du genre. La psychologie considère que chacun, quel que soit son sexe, a un part de l’autre sexe en lui. Un homme peut donc explorer sa féminité en créant un avatar féminin dans Second Life, à côté de son avatar masculin. Le phénomène n’est pas rare, puisque l’on considère qu’environ 20% des avatars femmes sont en fait des hommes. Certains créent même des avatars des deux sexes pour explorer les relations qu’ils ont entre eux. Voilà qui rappelle l’étrange roman de Balzac, Seraphita. Si les résidents de Second Life répugnent à parler de leurs multiples avatars, quelqu’uns n’hésitent pas à les présenter aux yeux des autres, exprimant par là la complexité de leur être.


Sleeping Hermaphrodite 2, première mise en ligne par bblfish.

Dans l’hypermonde, chacun de ces avatars ou chacun de ces profils peut acquérir une certaine autonomie : il a des amis ou des expériences inconnus des autres facettes. Le terme avatar est bien choisi du reste, puisqu’il désigne, dans la religion hindouiste, les différentes incarnations d’une divinité. La plupart des avatars sont des incarnations partielles, ne reprenant que certains aspects de la divinité.

Projection

Avant l’arrivée des mondes virtuels, l’individu avait déjà des possibilités de se projeter dans d’autres univers, à travers les récits légendaires, la littérature, le cinéma ou le jeu. Cependant la confrontation avec les créatures de ces mondes ne se faisait qu’à travers un soliloque interne, même si d’aucuns avaient imaginé qu’on puisse entrer dans un livre ou dans un film (L’histoire sans fin, La rose pourpre du Caire). Maintenant, à travers ses projections dans l’hypermonde, le profil partiel d’une personne rencontre d’autres individus ou d’autres fragments d’individus et il interagit avec eux.

Jeu et avatar

Il est difficile de savoir comment l’individu réagit quand il est confronté à la réalité de la personne derrière l’avatar et le profil. Pour revenir à Second Life, il n’est pas rare de recueillir les confidences désabusées d’avatars masculins ayant passé une soirée avec un avatar qui s’est avéré être un homme. Dans la tradition théâtrale, la situation est pourtant commune. Par manque de monde ou suite à des interdits sociaux, des acteurs de même sexe sont appelés à interagir, l’un dans son genre originel, l’autre travesti. Mais les acteurs jouent et ont recours à des conventions qui ne masquent pas le sexe réel de la personne travestie. Dans l’hypermonde, il en va tout autrement et cela pour deux raisons principales : l’identité informatique n’est pas un travestissement. Aucune trace du sexe d’origine ne peut être décelée (à l’exception de la voix). De plus, l’investissement émotionnel est différent : contrairement aux acteurs qui ont travaillé leur personnage et leur rôle, les individus se rendent dans l’hypermonde plutôt désarmés. En résumé, l’hypermonde ne reproduit pas un univers de convention où les repères sont relativement clairs. Il est plutôt à l’image des frontières entre les genres qui apparaissent de plus en plus floues de nos jours : chacun doit régler lui-même la question de son identité. Cette dernière peut être exploré dans l’hypermonde. Il est cependant pas certains que l’individu y trouve les réponses qu’il cherche. Il risque même d’ouvrir d’autres boîtes de Pandore…

Entre virtualisation et actualisation

L’homme devra apprendre à gérer ses projections dans l’hypermonde et établir des règles de conduite. Il est temps de s’y mettre. On a inventé la voiture avant le code de la route. Il est intéressant de constater que le WWW a généré très rapidement une éthique : la fameuse Nétiquette. Mais le phénomène ne semble pas se répéter dans le cas de l’hypermonde. Il est probable que les questions que ce dernier pose sont d’une extrême complexité.
Le défi consiste maintenant à appréhender l’hypermonde, à l’étudier, notamment sous l’aspect de ses conséquences pour la société et l’individu (et pas seulement pour l’économie). Les sciences sociales dans leur ensemble (du droit à la psychologie, en passant par l’anthropologie) devraient créer des programmes d’envergure. L’un des principaux enjeux de ces réflexions est de définit la nature du virtuel et ses implications pour l’être humain. Pierre Lévy a défini le virtuel comme le potentiel, se réclamant en fait d’une définition datant du Moyen-Âge et provenant de la philosophie scolastique. Dans une graine d’arbre, il y a potentiellement un arbre. Mais cet arbre doit ensuite s’actualiser : il y a en lui une infinité d’actualisations possibles, mais une seule existera dans le monde réel. Ainsi ce qui est virtuel, n’est pas irréel, c’est-à-dire faux, mensonger, inexistant, alors qu’on comprend souvent cela sous ce terme. Ce qui est virtuel s’ouvre sur un grand nombre de possibles. Un réseau social comme Facebook contient potentiellement une infinité de relations possibles entre individus, mais seules certaines se réaliseront de manière concrète. Le passage au concret est l’actualisation.
L’hypermonde, contenant à la fois Internet, les réseaux sociaux, les mondes virtuels en réseaux (jeux ou non), constitue une gigantesque virtualisation du monde. Alors que les réseaux sociaux classiques se construisent grâce aux études, à la profession et aux hobbies, l’hypermonde permet de rencontrer des individus de manière complètement renouvelée, par le simple jeu des mots-clés.
Une fois les relations établies, la question de leur actualisation se pose de manière aiguë. Certaines se prolongent dans le monde réel, par des rencontres. D’autres au contraire continuent leur existence dans le monde virtuel. Cela ne signifie pas pour autant qu’elles n’ont rien de tangible. Des avatars peuvent construire ensemble des projets dans le monde virtuel : créer une maison, ouvrir une boutique , etc… Ces créations et collaborations supposent le plus souvent un échange monétaire, ce qui les fait sortir du purement virtuel. Il faut aussi prendre en compte le fait que l’hypermonde devient aussi un outil de plus en plus utilisé par des réseaux pré-existants pour faciliter les échanges et se développer. On assiste à des cycles complexes de virtualisation et d’actualisation.
Le danger de cette situation est peut-être, pour l’individu, de penser que le monde virtuel est un espace de moindre contrainte où tout ou presque est permis ou alors un lieu où il est possible de vivre ce que la vie réelle nous refuse. En clair, l’hypermonde favoriserait le bovarysme. Mais plutôt que de fuir dans le rêve, l’individu peut se construire une deuxième vie en lui donnant l’apparence de son rêve. On sait aussi que l’hypermonde peut créer des addictions. Tous les individus ne sont pas touchés par ces problèmes : la plupart finissent par gérer leurs multiples existences. Reste qu’il est bon d’ être conscient des différences qui existent entre notre monde réel et ses multiples virtualisations. Les mondes virtuels par exemple sont constitués de pixels et reproduisent imparfaitement les caractéristiques de la matière : poids, résistance, pouvoir réfléchissant. Pour s’en convaincre, il suffit de passer devant un miroir dans Second Life.

L’hypermonde demain

Cet hypermonde aura certainement sur nos existences des répercussions qu’on a de la peine à imaginer aujourd’hui. Le WWW a déjà passablement bousculé le monde, notamment dans les domaines de la musique, de la presse, du cinéma, de l’organisation des voyages. Les réseaux sociaux sont en train de révolutions les relations humaines. Les mondes virtuels en réseau apportent un élément supplémentaire : celui d’espaces atteignables grâce à des machines numériques, en prenant la forme d’un avatar. Déjà aujourd’hui, Second Life offre de nombreuses possibilités de vivre des activités à distance : danser, visiter un musée, participer à une discussion, jouer, suivre des cours, etc…. Mais Second Life n’offre que de médiocres possibilités de diriger l’avatar au moyen du clavier (un bel exemple d’effet diligence). Un jour, on pourra peut-être diriger son avatar avec un système comme la console de jeu Wii. A ce moment-là, rien ne s’opposera à vivre pleinement (et pas seulement avec le bout des doigts et les yeux) une soirée dans l’hypermonde. On pourra aller danser, jouer une partie de tennis avec un partenaire américain, boire un café et discuter avec un groupe d’amis, faire du shopping et essayer des vêtements sur son avatar.
Le futur de cet hypermonde tient cependant à quelques conditions : robustesse du réseau, haut débit accessible au plus grand nombre, meilleure protection de la vie privée et des données, modèle économique viable et adéquation avec le développement durable en sont les principales. A son tour, il augmentera la fracture numérique, entre ceux qui seront capables d’y entrer parce qu’ils en ont les moyens, les compétences et surtout la compréhension, et ceux qui resteront en dehors. A son tour, il fera vaciller certaines institutions ou branches économiques, en premier lieu le monde des loisirs.

dimanche 19 octobre 2008

Visiter la Cité interdite bis

Nous en avions parlé dans ce blog il y a plus de deux ans: la Chine projetait d'ouvrir une version en 3D de la Cité impériale, en collaboration avec IBM. C'est chose faite maintenant. Il est désormais possible de visiter le palais des empereurs chinois sous la forme d'un avatar, de déambuler dans les cours, les salles et les jardins. Pour l'instant, un tiers environ de l'ensemble est accessible. Pour visiter la Cité interdite, il faut télécharger une application disponible en version Windows, Mac et Linux. Pour ce qui est des langues, on a le chinois et l'anglais à choix. On peut entrer soit comme hôte, soit en créant un compte gratuit.

Vue de la Cité interdite

Le système ne déconcertera pas un utilisateur de Second Life, car certaines fonctionnalités sont semblables, notamment le déplacement de l'avatar avecles touches du clavier (en haut, en bas, à gauche, à droite). Les fonctions de caméra sont aussi très semblables. Il est aussi possible de prendre des images, les ranger dans son livre d'images ou les envoyerà un ami. Une carte est disponible, à partir de laquelle on peut se télécharger vers des lieux intéressants. La carte retient aussi le parcours du visiteur, ce qui est très utile dans ce labyrinthe.

Interface utilisateur

La réalisation est de qualité. Les différents éléments architecturaux sont présentés avec un grand détail. Des objets en 3 dimensions comme des statues, des vases, des braseros sont très réalistes aussi. Petit détail intéressant et qui diffère de l'univers de Second Life: l'avatar est suivi par son ombre.

Cette version 3D de la Cité interdite est conçue comme un musée. Elle a donc un certain nombre de fonctionnalités muséales. De nombreux lieux font l'objets d'une description détaillée, avec des images de la version réelle. Ces descriptions peuvent être appelées au moyen d'un clic. Mais dans cette Cité interdite, on a aussi des guides qui ont tout à fait l'apparence d'avatar et qui communiquent avec le visiteur au moyen du chat. Il suffit de s'approcher de l'un de ces guides ou de cliquer sur son titre, pour se voir offrir une visite guidé. On se met alors à le suivre automatiquement. Le guide nous emmène dans les lieux les plus remarquables et nous donne des explications. Si on veut en savoir plus, il faut simplement demander. Ces guides constituent un moyen commode de visiter l'ensemble. Si on opte pour une visite individuelle, on peut alors compter sur des intendants prêts à nous renseigner sur ce que nous voyons, notamment sur les reconstitutions de scènes d'époques. Ces scènes sont pour l'instant centrées sur la personne de l'empereur, que l'on peut voir en train de lire des rapports officiels, de banqueter ou de se faire peindre.

L’empereur en train de lire des rapports

Comme l'ont montré certaines études, le musée est un lieu social. L'application de la Cité interdite permet de prendre en compte cette dimension: comme dans Second Life ou dans d'autres réseaux sociaux (en 3D ou non), il est possible de tchatter avec les autres visiteurs ou d'en faire ses amis. Il est également possible d'organiser soi-même un tour guidé. Cette fonctionnalité est vraiment intéressante, si l'on songe à des usages dans des écoles. Le professeur peut emmener ses élèves dans un tour guidée. On peut aussi donner rendez-vous à un ami dans la Cité interdite et la visiter en sa compagnie.

Il y a relativement peu de défauts à signaler. On peut constater de légères interférences entre le système de guidage de l'avatar et les informations disponibles en certains lieux: parfois on doit attendre un peu pour reprendre la main. Le principal bémol, c'est qu'il faut télécharger une application pour effectuer une visite. Les mondes 3D ne sont pas encore très interopérables.

Finalement ce genre d'application aurait été possible depuis longtemps. Elle l'était peut-être déjà, quand je pense au CD-Rom permettant de visiter le château de Versailles. A cette époque-là (fin des années nonante), les mondes 3D étaient liés uniquement aux jeux, ce qui dissuadait un public nombreux. Aujourd'hui, le paradigme est différent: un peu grâce à Second Life, la 3D a été déconnectée de l'idée de jeu. De plus, les réseaux sociaux sont passés par là. Il faut espérer que, dans un avenir proche, de nombreux monuments, palais, musées seront accessibles de cette manière.

Mon avatar

Bonne visite:

http://www.virtualforbiddencity.org/

dimanche 5 octobre 2008

J'ai testé la Wii

J'ai profité de la visite d'une grande exposition commerciale consacrée au jeu et au jouet pour tester (enfin) la Wii. L'idée de cette console conçue par Nintendo m'a toujours paru intéressante. Le monde du jeu électronique est très marqué par l'informatique qui fait naître le mouvement d'un avatar à partir de commandes du clavier ou de manettes très simplifiées. Un bel exemple d'effet diligence. Ce mode de manipulation archaïque suppose un grand sens de l'abstraction. Mon avatar de Seconde Life en sait quelque chose, tant il s'est cogné dans des murs. Heureusement le système ne prévoit pas de faire apparaître des bosses sur le front.

Wii

Il a fallu attendre longtemps pour que l'on considère que le plus naturel est de mettre en parallèle le mouvement du corps humain réel avec celui de l'avatar. La Wii permet de jouer au tennis, au bowling, de faire du yoga ou de l'aérobic, grâce à divers accessoires. Il paraît que l'on a tendance à casser les meubles ou la télévision. Mais en même temps, on fait bouger son corps plutôt que de rester scotché derrière son écran. Et c'est tant mieux pour la santé. La Wii est sûrement une étape importante pour sortir la culture numérique de la logique de l'ordinateur.

J'essaie de convaincre ma progéniture pour que la console en question figure sur la liste envoyée au Père Noël. Je ne voudrais pas donner l'impression de l'acheter pour moi-même ;-) .

dimanche 14 septembre 2008

Informations géographiques éditables en ligne

Google Maps développe constamment de nouveaux outils permettant de partager des informations géographiques sur Internet. Non seulement chacun peut mettre ses informations géographiques en ligne, à disposition de tous: informations sur des randonnées, sur des lieux correspondant à une thématique particulière, mais il est possible maintenant de les éditer en ligne et d'y inviter d'autres personnes à y contribuer.

Edition en ligne d’une carte

http://maps.google.com/maps/ms?ie=UTF8&hl=fr&msa=0&msid=108003384802908065546.0004438f0aa2307fd7f45&z=11

En cliquant sur le signe indiquant le lieu, une petite fenêtre s'ouvre. En même temps, dans le menu de gauche, un bouton "modifier" permet de rendre le contenu de cette fenêtre éditable. Ainsi, on peut mettre à jour sa carte sans rééditer et importer son fichier KML. Malheureusement il n'y a pas encore de fonction d'exportation du fichier KML modifié.

Il est également possible d'inviter d'autres personnes à collaborer à une carte. La fonction est la même que celle qu'on retrouve dans Google Docs, pour partager des fichiers. Le système envoie des invitations par email. La collaboration est possible dans un cercle restreint. On peut aussi permettre aux personnes invitées d'envoyer à leur tour une invitation ou bien laisser tout le monde modifier la carte.

Maintenant que les cartes peuvent être aisément modifiées ou retravaillées de manière collaborative, il est essentiel de pouvoir être courant de toute modification. On peut donc s'abonner à un fil RSS indiquant tous les changements.

Google Maps devient un véritable outil de travail permettant de partager, mettre à jour et informer. Ses cartes peuvent aussi être lues Google Earth pour ceux qui trouvent ce logiciel plus confortable.

http://maps.google.com/

dimanche 31 août 2008

Dans les nuages ...

Nos disques durs ressemblent un peu à des greniers. Nous y entassons des photos, des textes, des carnets d'adresse, bref tout ce qu'on peut trouver dans des cartons sous nos toits. Mais cela est en train de changer. La tendance est de stocker tout cela maintenant plus haut, au-dessus du toit ... dans les nuages. C'est ce qu'on appelle le cloud computing.

Clouds computing

http://www.flickr.com/photos/16230743@N06/2352727820/

De plus en plus, nous sommes en déplacement et nous voulons accéder à nos données sans forcément emporter un ordinateur portable: chez des collègues, des amis, dans un hôtel ou un cybercafé. C'est pourquoi on trouve de nombreux services qui offrent la possibilité de stocker des fichiers en ligne. On peut avoir ses documents, ses feuilles de calcul, ses photos et même ses contacts. En plus de la mobilité, le grand avantage est la sauvegarde: tous ceux qui ont eu un disque dur qui a lâché savent de quoi je parle. Les désavantages existent aussi: tout d'abord on confie ses données à des tiers. Ensuite, du moment que les données sont en ligne, elles risquent de glisser bien vite sur l'Internet public. En effet, si on ne prend pas garde aux paramètres de partage (avec les amis, tout le monde), plus de gens qu'on ne pense peuvent y accéder.

Le "cloud computing" a quand même un grand désavantage: que fait-on quand on n'a pas de connection Internet ou téléphonique?

lundi 18 août 2008

La lune de miel continue ...

Décidément, mon iPhone est un sérieux concurrent pour mes autres activités numériques. En fait, j'ai passé d'excellentes vacances en sa compagnie. Je reviens sur une de ses caractéristiques. L'un des facteurs de succès du iPhone est probablement le même que celui qui a assuré une gloire universelle à Facebook: les applications. Il est possible d'acquérir, dans une partie d'iTunes appelé Apple Store de petites applications à charger ensuite sur son iPhone (ou son iPod touch). Certaines sont gratuites et d'autres payantes. La gratuité ne devrait cependant pas nous faire oublier un certain sens critique.

Applications iPhone

On peut en effet classer ces applications en plusieurs catégories:

Les gadgets

Ils ne servent à rien, sauf à amuser vos amis ou vos petits neveux. Imaginez: une boîte à meuh (pas très classe pour le iPhone), un briquet inutile pour allumer la cigarette de votre voisine (un geste rayé du rayon de l'élégance à cause des campagnes anti-tabacs), mais peut-être utile pour balancer votre iPhone au bout de votre bras levé à la fin d'un concert, et surtout l'épée-laser de Jedi (qui fera de vous un héros aux yeux éblouis de votre neveu). Ce qui est pratique, avec la synchronisation, c'est qu'on peut installer et désinstaller ces applications comme on veut. Attention quand même aux applications qui produisent des jeux de données (scores, textes, ...).

Les utilitaires

En accompagnant mon fils dans une papeterie pour les achats de la rentrée, je me suis mise à flâner entre les rayons en me posant cette simple question: si j'ai un iPhone dans mon sac, combien d'objets est-il en mesure de remplacer? Voici une petite liste non exhaustive: l'agenda est évidemment la première victime, car l'iPhone a un calendrier et un carnet d'adresses synchronisables avec l'ordinateur. On peut aussi se passer facilement du lecteur MP3, d'un livre à lire dans le train puisqu'il existe des applications permettant de télécharger et lire des livres numériques. On peut aussi oublier à la maison la carte de géographie, l'horaire des chemins de fer. Exit la calculatrice. Adieu la montre. Même la loupe permettant de lire les cartes est inutile, car le iPhone a une fonction d'agrandissement. Finalement le sac à main s'allège. Maintenant il y a de la place pour le rouge à lèvres, la poudre et le chargeur du iPhone, car bien entendu toutes ces applications sont gourmandes en énergie. On peut lire un livre numérique et écouter de la musique en même temps, pas on ne fera pas le Transsibérien avec une charge de batterie...

Les jeux

La variété est immense. Ma préférence va aux jeux brefs équivalents à des patiences: cartes ou mahjong. Mais si on a des enfants, les conflits sont inévitables, car certains jeux sont très réussis et relèguent le Gameboy au fond du sac à dos.

Les applications liées au GPS

A part l'application géographique qui jusqu'à présent m'a convaincue, le reste laisse quelques désillusions. Une application permettant de calculer en temps réel la vitesse d'un véhicule a donné des résultats peu réalistes: un 60 km/h bien tenu au compteur oscillait entre 40 et 170. Une autre application permet de suivre une personne munie d'un iPhone sur une carte en ligne. Avant de céder à la tentation, il faut peut-être réfléchir au fait que l'iPhone envoie des données sur un serveur distant: cela peut avoir des conséquences sur la facture et on stocke aussi des données sur ses déplacements chez un tiers (qui se veut rassurant sur cette question).

Les applications de réseautage

L'un des avantages du iPhone est de pouvoir continuer à exister sur un réseau social numérique sans être rivé à son ordinateur. Bonne nouvelle donc pour tous les accrocs du mail, des réseaux sociaux, du tchat, du blog: grâce au iPhone, ils peuvent désormais sortir de chez eux, aller se promener voire même partir en pique-nique (une alternative bienvenue à la pizza livrée à domicile dont les miettes finissent entre les touches du clavier).

Ce qu'on ne trouve pas pour l'instant

Je n'ai pas encore tout regardé en détail. Je n'ai pas encore vu de suite bureautique (si ce n'est des utilitaires permettant de prendre des notes). Peut-être faut-il utiliser celles qui sont disponibles en ligne? Voilà en tout cas qui nous oblige à nous encombrer d'un ordinateur portable, si on doit travailler dans le train.

J'ai quand même le sentiment que l'iPhone oscille entre utilitaire et objet de loisir. Rappelons tout de même qu'avec un iPhone, il est aussi possible de téléphoner ...

dimanche 3 août 2008

Une semaine avec un iPhone

Pour expliquer une telle infidélité à mon blog, il faut une bonne raison. Cette raison s'appelle iPhone. Depuis une semaine, je me promène avec le précieux objet. Peu à peu, il se laisse découvrir, amadouer. Il livre ses petits secrets. Comme dans toutes les histoires d'amour, il y a de petites déconvenues, qui s'oublient bien vite.

iPhone

Disons-le tout net: la téléphonie est rangée au rang de fonctionnalité accessoire: l'iPhone est d'abord un appareil permettant de se connecter à Internet. Tout y est simple: pas de configuration Internet à installer. La configuration des comptes e-mail est simplissime. Tout fonctionne à la perfection. Malgré ce qu'on en dit, l'appareil photo est acceptable et les photos sont ensuite gérées par iPhoto sur l'ordinateur. iTunes s'occupe de la synchronisation du reste avec simplicité. Toutes les photos sont géotaguées.

L'appareil lui-même est d'une beauté sans pareil (j'ai la chance d'avoir trouvé un modèle noir). Plein de sensualité même, puisqu'il ne réagit qu'au toucher. Pour ceux qui passent d'un iPod classique au iPhone, la molette est bien vite oubliée. Quant au clavier sur écran, on s'y fait très vite. Seul bémol, je n'ai pas encore compris quelle langue parle le dictionnaire censé devenir les mots que nous sommes en train d'écrire.

On atteint le Nirvana avec les applications supplémentaires disponibles dans Apple Store. Plein de petites merveilles. Bien que je ne sois pas joueuse dans l'âme, je commence par les jeux. Tout le monde se souvient s'être énervé avec un labyrinthe à bille, ce jeu où il faut faire passer une bille dans un labyrinthe plein de trou. Des concepteurs de jeux ont su tirer parti de la disposition du iPod à connaître sa position dans l'espace pour créer un jeu identique, mais sur l'écran. Avantage: la bille ne risque pas de rouler par terre. Inconvénient: en cas d'énervement, éviter de lâcher son iPhone ...
Labyrinthe à bille

Il existe trop d'applications pour toutes les décrire. On peut mettre à jour son blog Wordpress, continuer à entretenir son réseau social sur Facebook, chatter avec AIM. Il existe aussi de nombreux utilitaires pratiques: listes de tâches, calculette sophistiquée, etc... J'ai également testé les applications permettant de lire des livres électroniques. Dans ce domaine, eReader m'a paru particulièrement convaincant: on peut littéralement tourner les pages avec les doigts. Mais il est aussi possible de rechercher un mot dans le texte. Ne manque que la possibilité de prendre des notes ou de passer des lignes au marqueur.

Petite remarque en passant, j'ai constaté qu'en ouvrant plusieurs applications pour la première fois, quelques octets d'informations s'envolent. Où? Un peu de transparence ne fait pas de mal.
Dans les petits accrocs rencontrées au cours de cette lune de miel somme toute sans nuages, je mentionnerai deux points. Pour tous ceux qui achètent des iPhones ailleurs que dans les boutiques des prestataires de télécommunication qui offrent des abonnements, pensez que l'abonnement ne commence que 24h00 plus tard. Ne vous précipitez pas sur le bouton surf, si votre précédent abonnement ne vous faisait pas bénéficier d'un tarif bas. Plusieurs personnes ont, semble-t-il, eu des difficultés à installer des applications sur leur iPod. La raison est simple: le Mac les reconnaît comme des applications, même si elles ne pas destinées à fonctionner localement. Il faut en autoriser l'usage. Leur truc le plus simple est de cliquer deux fois sur une icône d'application. L'ordinateur demande le mot de passe pour l'installation et le tour est joué.

Bref, on reviendra sur le sujet ...

jeudi 24 juillet 2008

Bible virtuelle

Etrange histoire que celle de cette version de la bible, retrouvée par hasard par un savant au fond d'une corbeille à papier du Monastère Saint-Catherine, dans le Sinaï. Considérée comme de peu de valeur, le manuscrit a été démembré et, après divers aléas, s'est retrouvé dans 4 différents endroits: la British Library , la bibliothèque nationale de Russie , la bibliothèque de l'Université de Leipzig, le Monastère St. Catherine. Internet devient donc la seule possibilité de le réunir. Les différentes bibliothécaires propriétaires de parties du manuscrit ont donc décidé de mettre sur pied un projet de numérisation. La première partie des pages, celles qui se trouvent à Leipzig, sont en ligne depuis aujourd'hui:

Codex sinaiticus

http://www.codex-sinaiticus.net/

Le battage médiatique ayant été bien orchestrée, le manuscrit était difficilement accessible ce soir.

mardi 15 juillet 2008

Des mondes virtuels dans le navigateur

Second Life a déchaîné les passions, puis le soufflé est retombé. Il faut cependant croire que l'idée que les mondes 3D pouvaient s'imposer sur Internet a trotté dans les esprit de quelques uns. On voit apparaître maintenant de nouveaux mondes virtuels. Second Life avait ses propres concurrents: Active Worlds, There et d'autres mondes utilisant le même client qui commencent à se mettre en place (comme Open Sim). Mais la nouvelle génération des mondes virtuels qui apparaissent maintenant ont la particularité d'être intégrés directement dans les navigateurs Internet. Nous en avons testé deux.

Yoowalk ne nécessite aucune installation particulière, si ce n'est Flash (en principe déjà installé dans le navigateur). Ce monde virtuel, créé par une start up française, propose un avatar très simple, éditable, mais avec des choix réduits en ce qui concerne sa garde-robe. Cet avatar évolue dans un univers simple, fait de routes et de maisons cubiques, dans lesquelles il est possible d'entrer. Le monde est divisé en plusieurs pays (France, Canada, Brésil). On rencontre les maisons de plusieurs journaux ou enseignes connues. Chaque avatar a sa propre maison, qu'il peut décorer à sa guise avec un mobilier qui rivalise en simplicité avec une certaine marque suédoise.

Yoowalk - espace personnel

Disons-le, ce monde ne fait pas très envie. Il se comporte un peu comme Habbo Hotel, mais en nettement moins bien. Le design est un peu fade. L'idée d'aller lire les articles du Monde sur des murs ne fait guère envie.

Yoowalk

Bien entendu, les fonctionnalités classiques du chat sont disponibles.

Google vient de sortir son monde virtuel, en préparation depuis un certain temps comme des rumeurs insistantes le laissait penser. Lively est donc d'un tout autre calibre. Il nécessite cependant l'installation d'un plug in dont la version Mac n'est pas encore disponible. Le choix d'avatars est limité: il y en a une dizaine. Ils sont vraiment en 3D et donnent une belle impression de volume.

Lively

En revanche, la garde-robe disponible est plus riche et, pour l'instant, gratuite.

Lively - wardrobe

Chaque avatar peut construire son espace (room); il peut même en faire plusieurs. Il peut remplir cet espace avec le mobilier fourni gratuitement, dont le choix est assez vaste. En passant, on peut signaler que l'inventaire est divisé en catégories d'objets et donc assez facile à gérer (les résidents de Second Life me comprendront). Le déplacement de l'avatar, au moyen de la souris, est aussi agréable. Contrairement à Yoowalk, Lively ne forme pas à un monde dans lequel on peut se déplacer à sa guise dans des rues. Il faut toujours accéder à un espace par le truchement d'une page Web. En revanche, il est possible d'intégrer à sa propre page Web l'accès à son espace virtuel dans Lively. Voici la porte qui conduit chez moi:

http://embed.lively.com/iframe?rid=-6720215638888457341

Lively dispose aussi des fonctionnalités de chat.

Si ces deux mondes virtuels permettent aux utilisateurs d'aménager leurs propres espaces, ils ne permettent pas encore de créer des objets ou des bâtiments. Yoowalk cherche à créer un monde d'information dans lequel les avatars se déplacent, alors que Lively va plutôt dans la directement du réseau social.

L'avenir est certainement à l'intégration des mondes virtuels en 3D dans les navigateurs. A l'avenir, il ne devrait plus être nécessaire d'ouvrir un nouveau programme pour accéder à son espace virtuel et y discuter avec ses amis. De plus, un compte chez Google donne accès à un nombre impressionnant de services, de la messagerie au bureau virtuel, en passant par un monde 3D. On n'est pas loin du "all-in-one" desk.

http://www.yoowalk.com/

http://www.lively.com/

lundi 7 juillet 2008

Expo nomade

Le terme "exposition virtuelle" peut recouvrir bien des choses. La Fondation Pro Helvetia, dont le but est de promouvoir la création artistique suisse à l'extérieur du pays, a trouvé un moyen intéressant de virtualiser une série d'expositions. Ces expositions sont en principe installées dans des lieux réels (non sur un serveur Web) et visitées par des visiteurs tout aussi réels (qui ne viennent pas sous forme de numéro IP). Alors! quoi de virtuel? Le mode de distribution tout simplement. Ces expositions sont avant tout des produits numériques. Elles sont disponibles sur un site Internet et sur un CD-Rom (pour la version haute résolution), prêtes à être imprimées et fixées sur des panneaux, en n'importe quel lieu de la Terre.

http://www3.pro-helvetia.ch/expo/list_exp.html

Parmi les expositions disponibles, l'une a été présentée lors du Festival international du film fantastique de Neuchâtel (NIFFF), dans le cadre de son symposium "Imaging the Future". Elle présente les artistes suisses engagés dans des réalisations hollywoodiennes.

Affiche Swiss Designers in Hollywood

http://www.imagingthefuture.ch/2008/home.html

Entre nous, la présentation de ces expositions sur le site de Pro Helvetia n'est guère optimale. Il n'y a pas de système de navigation constant (il faut user du bouton "Back"). La mise en page n'est pas vraiment attractive. Mais il s'agit incontestablement d'un système original permettant de faire voyager des expositions autour du monde, sans camions ni polices d'assurance. Un exemple à suivre...

mardi 1 juillet 2008

Remonter le Times

Le célèbre quotidien anglais vient de mettre l'ensemble de ses archives numérisées en ligne, des archives qui remontent à 1875. Il est désormais possible de lire des articles tels qu'ils apparurent à des lords anglais qui les découvraient dans un journal en papier parfaitement repassé par leur valet.

La page d'entrée offre une frise chronologique permettant de trouver des événements marquants durant plus de deux siècles. Pêle-mêle, on y trouve la décapitation de la reine Marie-Antoinette, la bataille de Waterloo, l'assassinat du Président Lincoln, etc. On peut accéder ensuuite à l'article dans la mise en page de l'époque, avec un repère indiquant où se trouve l'article sur la place. La rédaction a également préparé quelques dossiers thématiques, comme l'histoire de la famille royale, le Titanic ou encore Jack l'Eventreur.

Times online Archives

http://archive.timesonline.co.uk/tol/archive/

Pour l'instant, ces archives sont gratuites. Quelques articles sont en accès totalement libre et pour les autres, il suffit d'ouvrir un compte gratuit. Espérons que cela reste ainsi.

jeudi 26 juin 2008

Démocratie virtuelle

On parle beaucoup d'Internet dans le domaine de la participation politique. Il ne s'agit pas seulement du vote électronique (qui n'est qu'une amélioration d'une transaction existante). Sur le Net, il est possible de donner son avis, de débattre de questions de société et de politique, comme l'a montré le site de Ségolène Royale Désirs d'avenir. On peut même se prononcer sur des sujets qui concernent les citoyens d'autres pays, comme en témoigne ce site où il est possible de voter pour le futur président des Etats-Unis. Il est vrai que la campagne présidentielle américaine est tellement omniprésente qu'on est frustré de ne pouvoir glisser un bulletin dans l'urne.

Vote4president

http://fr.voteforpresident.org/

Les initiateurs de ce site viennent des Pays-Bas: il s'agit de diverses firmes actives dans le domaine d'Internet et de la communication. Ils déclarent leur neutralité par rapport au résultat.

Au moment où cette note paraît, plus de 18'000 personnes avaient voté. Barak Obama semble avoir la faveur de ces internautes, comme en témoigne le résultat provisoire:

Vote4president - Résulta provisoire - 89 % pour Obama

lundi 23 juin 2008

Seconde vie à vendre

Second Life a aussi ses déçus, comme en témoigne ce vide-garage trouvé par hasard. Les débris d'une seconde vie sont étalés sur le terrain devenu vague, à vendre pour des prix dérisoires. On y trouve des meubles de style, des bouquets de fleur, des reliefs de fêtes d'anniversaires, les inévitables boules roses et bleus permettant de vivre des moments tendres et ... une magnifique robe de mariée. L'avantage, c'est que dans SL aussi, on peut chiner ...

Seconde vie à vendre

En voyant les restes de rêves pixelisés étalés ainsi, on se dit que Madame Bovary aurait adoré Second Life. Elle y aurait peut-être vécu ses illusions à moindre frais.

samedi 14 juin 2008

Un dictionnaire virtuel

Google offre une fonctionnalité intéressante. En saisissant "define:" avant le terme recherché, on obtient non pas une liste de liens, mais une série de définitions glanées sur le Web.

Champ de recherche Google

Les résultats obtenus sont loin d'être parfaits. Cependant cette possibilité fait réfléchir. La masse immense de données que constitue Google peut être exploitée de diverses manières et produire autre chose que des passages vers d'autres sites. Le moteur de recherche essaye de retrouver tout ce qui peut constituer une définition et générer un dictionnaire. Si on y réfléchit un peu, ce dictionnaire se trouve déjà potentiellement dans Google et il s'agit de l'actualiser.

Une question fondamentale demeure: peut-on imaginer qu'un dictionnaire censé livrer le sens des mots d'un langage naturel soit généré uniquement grâce à un programme, sans l'aide des humains, porteurs du langage naturel? Le Web sémantique se fera-t-il avec des robots ou avec des hommes?

mercredi 11 juin 2008

Encyclopédie

Après les remarques à l'emporte-pièce d'Andrew Keene, voici enfin un ouvrage qui donne quelques pistes pour mieux comprendre Wikipédia: Quand le citoyen lambda devient encyclopédiste. Wikipédia. Média de la connaissance démocratique. Même s'il n'a qu'un auteur, Marc Foglia, ce dernier intègre dans le texte des contributions d'autres personnes, ce qui en fait un livre collaboratif.

Quand le citoyen lambda devient encyclopédiste. Wikipédia. Média de la connaissance démocratique.

Ce livre commence par tracer des parallèles entre Wikipédia et les projets encyclopédiques des Lumières. Les auteurs des articles étaient inconnus et ne signaient qu'avec leurs initiales. L'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert avait pour but de propager la connaissance chez l'honnête homme. Il ne s'agit donc pas de ce qu'on appelle de "connaissances chaudes", encore proches des débats scientifiques, mais de "connaissances froides". Peut-on définir des tendances politiques marquant le projet wikipédien? L'auteur y voit un mélange intéressant de pensée libérale (liberté d'expression) et de collectivisme. Il met aussi en avant le fait que Wikipédia, c'est aussi (et peut-être avant tout) une communauté. Au-delà des articles, il y a des discussions, des dialogues, des personnes qui se connaissent.

L'auteur pose aussi la question de la nature de la connaissance dans Wikipédia. L'ensemble donne une impression de joyeux fatras, mêlant des sujets tendance (par exemple à propos de "people") et des sujets sérieux. A l'intérieur d'un article, l'anecdotique le dispute parfois à des informations plus fondées. Le fait que Wikipédia soit issu d'un travail collectif y est pour quelque chose: en l'absence de projet éditorial réel et de contrôle, c'est le consensus qui l'emporte. En fait, les connaissances disponibles dans Wikipédia en disent plus sur la communauté des wikipédiens (et probablement sur la société dans son ensemble) que sur l'état des connaissances de notre époque.

Wikipédia est l'un des projets qui montre le mieux que les rôles d'auteurs, d'éditeurs et de lecteurs ne sont plus aussi bien séparés sur Internet que dans le monde de l'imprimé: les lecteurs peuvent en effet modifier, corriger l'encyclopédie qu'ils consultent. Une fois de plus, c'est la notion d'auteur qui est remise en question.

L'auteur pose aussi la question de la connaissance apportée par Wikipédia. Google et Wikipédia forment un duo omniprésent dans le domaine de la recherche d'information sur le Net: l'internaute commence par une requête sur Google qui l'amène invariablement vers un article de Wikipédia. Quelle que soit la qualité de l'article trouvé. La connaissance est consommée de manière immédiate, sans regard critique, sans recul. On peut parler de malinfo (terme forgé sur malbouffe). C'est peut-être ce qui manque le plus dans Wikipédia: l'encyclopédie se veut neutre, évite toute connaissance faisant l'objet d'un débat. Il y a donc de gros doutes sur l'apport de Wikipédia dans le domaine de l'éducation.

Le livre se termine par un sondage intéressant effectué en France à propos de Wikipédia. On y apprend que 92% des internautes interrogés ont une bonne opinion de Wikipédia et que 74% ont confiance dans ses articles. Comme quoi, l'encyclopédie collaborative, malgré ses défauts, a encore de beaux jours devant elle.

mardi 3 juin 2008

Dématérialisation?

Il n'y a pas si longtemps, on ornait encore les albums photos de nos vacances lointaines avec son billet d'avion ou sa carte d'embarquement. Les albums ont disparu avec les photographies numériques. Et maintenant c'est le billet d'avion qui se volatilise. Ce bout de papier qui nous angoissait tant: il ne fallait pas l'oublier avant de partir, ni le perdre ou se le faire voler pendant le voyage. Le voilà réduit maintenant à quelques bits dans une boîte électronique ou dans un téléphone portable. En effet, depuis le 1er juin, l'IATA oblige les compagnies d'aviation à émettre des titres de transport non matériels, permettant de faire des économies évaluées à 3 milliards de dollars. La plupart des compagnies sont prêtes et celles qui n'ont pas pas encore pu s'adapter recourent aux services de celles qui le sont.

http://www.iata.org/pressroom/pr/2008-31-05-01.htm

La tendance à la matérialisation et à la virtualisation continue à se développer, qu'il s'agisse d'argent, de titres de transport ou même de relations sociales. Cette évolution est d'autant plus frappante que la réalité matérielle revient frapper à notre porte, sous la forme des crises énergétique et alimentaire. Les compagnies aériennes n'émettent plus de billets en papier, mais leur facture de pétrole est bien réelle et le ticket virtuel n'en sera guère allégé...

dimanche 25 mai 2008

Je sème à tout vent

La fameuse devise du dictionnaire Larousse invite à la diffusion du savoir. Il faut admettre qu'Internet joue un rôle de plus en plus prépondérant dans la recherche d'informations et de connaissance. C'est en tout cas ce que laisse penser le fait que le moteur de recherche Google et l'encyclopédie collaborative Wikipédia soient parmi les sites les plus consultés.

http://www.comscore.com/press/data.asp

L'encyclopédie Wikipédia constitue de fait un véritable défi pour les encyclopédies traditionnelles. Ces dernières ont des contenus produits par des spécialistes et passant par divers contrôles de qualité. Elles ont fait une première mutation sur CD-Rom, il y a quelques années déjà. Le CD-Rom ne posait pas de problème de monétarisation. En revanche, la mise en ligne est plus complexe. Les principales encyclopédies proposent un abonnement:

http://www.oxfordreference.com/

http://info.britannica.co.uk/

http://www.universalis.fr/

Mais Wikipédia offre ses contenus gratuitement et, de surcroît, elle permet aux internautes de participer aux contenus. C'est certainement ce qui a incité Larousse à proposer le contenu d'une encyclopédie gratuiteme en ligne et à inviter tout un chacun à contribuer à son enrichissement. Le site Internet de l'encyclopédie comporte (ou comportera prochainement) même des fonctionnalités visant à instaurer une certaine collaboration entre les contributeurs. Les articles des internautes font aussi l'objet de votes.

Larousse

http://www.larousse.fr/

Si l'on compare Wikipédia et Larousse, on a deux modèles différents de collaboration.

- collaboration totale et partielle: Larousse offre potentiellement deux séries d'articles, ceux qui ont été composés par des experts et ceux des internautes. Wikipédia ne fait pas une telle distinction et mise sur l'intelligence collective pour l'amélioration de ses contenus.

- dans le cas de Larousse, chacun conserve la maîtrise de ses contenus, aussi bien les experts que les contributeurs libres. Une fonctionnalité permettant de proposer des modifications est cependant prévue pour les articles des contributeurs.

Il sera intéressant de voir si un mode de collaboration qui reconnaît encore un auteur à une contribution dans l'encyclopédie, même si cet auteur finit par bénéficier des informations d'autres internautes, suscite un intérêt. On quitte un peu le monde de la collaboration pour entrer dans celle de la participation. On peut d'ailleurs se demander qu'est-ce qui motivera les lecteurs à signaler des erreurs ou des améliorations dans un article de Larousse, alors que Wikipédia les autorise à intégrer les corrections eux-mêmes. C'est finalement le choix du contributeur qui sera déterminante: souhaite-t-il voir son texte être modifié (jusqu'à devenir méconnaissable) ou préfère-t-il composer un texte qu'il juge lui-même digne de publication et que seul le vote des internaute viendra sanctionner?

dimanche 18 mai 2008

Les amateurs

Un des livres qui a nourri le débat à propos du Web 2.0 porte un titre qui ne laisse aucun doute sur le parti-pris de son auteur: “Le Culte de l’amateur. Comment Internet détruit notre culture?”. Andrew Keen livre une critique impitoyable sur l’Internet d’aujourd’hui, se désolant de ce qu’on laisse le champ libre à des amateurs, alors que les positions de certains professionnels comme les journalistes, les libraires, les éditeurs de musique, sont de plus en plus fragilisées. Il regrette que les personnes de talent soient concurrencées par des amateurs, sans toutefois définir ce qu’il entend par talent. Même pour le terme amateur, l’auteur se contente d’une définition dictionnaire, sans chercher à savoir qui sont ceux qu’il nomme amateurs et pourquoi ils contribuent aux contenus d’Internet. Seuls les professionnels sont, à ses yeux, capables d’un travail sérieux. L’auteur défend un point de vue corporatiste et, de surcroît, il confond l’ensemble du Web participatif avec Wikipédia, le site dans sa ligne de mire. Il omet de mentionner le mouvement open source qui est le modèle de base pour la collaboration en ligne. Il ne fait pas la différence entre la collaboration où chaque participant est sur pied d’égalité (Wikipédia) et le crowdsourcing, c’est-à-dire le fait que l’on confie une tâche précise à une foule de personnes. Nous avons donné dans ce blog plusieurs exemples de projets de nature scientifique où des tâches sont confiés à une multitude de passionnés:

On pourrait encore mentionner ce site de crowdsourcing visant à traduire une encyclopédie rédigée en grec et datant de l’époque byzantine:

En fait, la limite entre amateurs et professionnels se fait de plus en plus ténue sur Internet. On compte parmi les blogueurs de nombreux professionnels qui parlent des sujets dont ils sont spécialistes, partageant leurs réflexions avec leurs pairs. Ils ont la compétence des professionnels, mais ils ne sont pas rétribués directement pour leur blog, qui fait plutôt partie de leur “self-marketing”.

Pour revenir au terme “amateur”, n’oublions pas qu’il vient du latin amare (aimer) et qu’il désigne quelqu’un qui a un goût vif pour quelque chose, quelqu’un qui cultive les beaux-arts sans en faire sa profession (musique, peinture) et, en mauvaise part, un homme d’un talent médiocre. Andrew Keen retient la dernière définition, alors que dans le domaine du Web collaboratif, c’est la seconde qui s’impose. De nombreuses personnes entretiennent et développent des compétences dans un domaine sans que cela devienne une profession, soit parce qu’ils ont découvert ce domaine a après leur formation, soit parce qu’ils l’ont étudié mais n’ont pas pu l’exercer professionnellement. De surcroît, il existe de nombreux domaines où mondes professionnels et amateurs coexistent sans que cela pose problème, comme le sport. Enfin, il faut peut-être retourner un peu dans le passé pour réaliser que la professionnalisation de la science est relativement récente. De nombreux domaines scientifiques doivent une partie de leur développement à des amateurs, au bon sens du terme.

Andrew Keen consacre de nombreuses pages de son livre à pleurer sur la mort ou la longue dégénérescence des industries du livre et de la presse, de la musique et du cinéma. Il attaque au passage le concept de longue traîne de Chris Anderson, sans toutefois livrer son argumentation (traiter une théorie d’utopique ne suffit pas). On commence toutefois à sortir de ce qu’on peut considérer comme le Web 2.0 stricto sensu. Il s’agit plutôt d’une révolution dans le mode de distribution de certains produits. Si le Web 2.0 y est pour quelque chose, c’est uniquement dans le phénomène des recommandations: les internautes ont la possibilité de créer des notices où ils donnent leur avis sur tel ou tel produit. Autrefois, les critiques faisaient les succès. Aujourd’hui ce sont les commentaires des internautes et les blogs. La longue traîne, plus qu’un modèle à suivre, est une constatation faite sur l’observation des ventes de livres dans Amazon. La distribution d’ouvrages ou de CD via Internet s’avère plus efficace, car elle met un produit à disposition de son public potentiel grâce aux mots-clés. Sur le fond et notamment sur la question de la propriété intellectuelle mise à mal par le Web actuel, de nombreux auteurs ont déjà mis en évidence le fait qu’elle devait être revue.

Andrew Keen se défend de vouloir jeter le bébé avec l’eau du bain, ayant lui-même travaillé dans la Silicon Valley. Pourtant c’est bien ce qu’il fait. Son propos devrait se restreindre à ce qu’on appelle Web 2.0 ou Web participatif: la blogosphère, Wikipédias, etc. Mais il critique bien d’autres facettes d’Internet qui n’ont rien à voir avec la participation, comme les jeux d’argent en ligne ou les problèmes de sécurité. En ce qui concerne la critique de ce qui constitue exclusivement le Web 2.0, à savoir la participation et la collaboration, son argumentation est bien faible. Surtout, il ne met pas en balance les avantages (coût, mobilisation) avec les inconvénients (qualité, crédibilité). Le Web participatif et collaboratif doit encore mûrir. Mais quand on voit l’évolution de Wikipédia, qui a peu à peu mis en place diverses systèmes pour améliorer sa qualité, on est en droit de croire que c’est possible.

Ce que ce livre ne dit pas (ou trop peu), c’est la profondeur des changements qui sont en train de se produire. Les utilisateurs d’Internet ne veulent plus être passifs comme l’étaient les lecteurs des journaux papier. Ils veulent participer aux contenus. Mais il existe plusieurs degrés de participation, du commentaire à la co-création. Chacun finira par trouver sa place, qu’il soit amateur ou professionnel.

samedi 10 mai 2008

Nuage de mots-clés

Le nuage de mots-clés (ou tags cloud) s’est imposé comme mode de visualisation des contenus d’un site Web, soit à partir des mots utilisés dans le site, soit à partir des mots-clés déterminés par les auteurs du site ou encore à partir des termes utilisés dans le moteur de recherche. Il met en évidence les termes les plus courants grâce à un agrandissement proportionnel à leur incidence. Ce mode de visualisation a été popularisé notamment par des sites comme Flickr. Le nuage de mots-clés permet de prendre connaissance du contenu d’un site en un clin d’oeil, de voir les thèmes principaux abordés et aussi d’accéder aux pages où se trouvent les mots en question.

De nombreuses applications de publication sur Internet, comme les blogs, offrent cette fonctionnalité. Certains sites offrent également la possibilité de générer des nuages de mots et de les intégrer. Le nuage ci-dessus a été créé à partir du site http://web.mozbot.info/. Il s’agit cependant d’une copie d’écran, car WordPress ne reprend pas le code correctement. Ce site offre la possibilité de paramétriser le nuage de mots-clés, en choisissant les termes que l’on souhaite montrer dans une liste exhaustive, les couleurs, le nombre d’occurence minimale. Il est aussi de générer des expressions (comme “musée virtuel”) Ce qui manque en revanche, c’est d’associer les termes correspondant à une même entrée dans le dictionnaire: virtuel, virtuelle, virtuels, virtuelles apparaissent séparément. De plus, d’après les tests effectués, seule une page est prise en compte.

lundi 28 avril 2008

Lectures multiples


Le Web est virtuel. C’est presque un truisme que de le dire. On peut cependant s’interroger sur le fonctionnement de cette virtualisation. Un des éléments fondamentaux du Web est le langage qui le code: HTML ou Hypertext Markup Language. Il s’agit d’un langage descriptif: il permet s’insérer certains éléments entre deux balises indiquant leur nature. Par exemple, un titre principal est indiqué avec la balise h1:

<>Titre< / h 1 >

Ce langage donne essentiellement des indications concernant le style: titre, paragraphe, gras, italique,… Il permet aussi d’intégrer certains éléments comme les liens hypertextes et les images.

Ces balises sont invisibles pour l’internaute. Il ne voit que le résultat produit par son navigateur Internet. Chacun a pu remarquer que des navigateurs différents interprètent parfois autrement le code HTML. Mais les navigateurs ne sont pas les seuls logiciels qui lisent et interprètent le code HTML. Il y a aussi les logiciels permettant de lire les fils RSS ou les logiciels lisant à haute voix (de synthèse) les pages pour les non-voyants. Que cela signifie-t-il? A partir du moment où l’on peut un texte au format HTML, on ne maîtrise plus la lecture qui en est faite, car cette lecture n’est pas directe, mais se fait via un interpréteur. C’est le développeur de l’interpréteur qui décide de la manière dont une balise est rendue. Ainsi si je regarde ce même blog avec un lecteur de fils RSS, je le vois complètement différemment:

De nombreux lecteurs le voient ainsi et ne peuvent pas savoir si j’en ai changé l’apparence.

La lecture nous échappe donc, contrairement à ce qui se passent dans le monde de l’imprimerie. Cette lecture se virtualise dans la mesure où c’est le contenu qui va au lecteur et non plus le lecteur qui visite le site.

De nombreux outils parcourent le Web et lisent le code HTML: les moteurs de recherche, les aggrégateurs. Nos contenus apparaissent, entièrement ou sous forme de teasers, dans d’autres sites. Ils se virtualisent et il faut l’apprécier, car c’est ainsi qu’ils se font connaître des lecteurs.

vendredi 18 avril 2008

Faire une bibliographie en un clic

On parle beaucoup du Web sémantique. Ce concept reste néanmoins théorique aux yeux des non-spécialistes. Depuis peu, cependant, il est possible d’en trouver des applications qui, faute d’être parfaites, ont le mérite de nous montrer tout l’intérêt d’un web qui comporte des méta-données, c’est-à-dire des informations à propos des informations qu’on y trouve. Si l’on indique, par exemple, que les caractères “Jean Dupont” désignent un nom de personne, cela permettrait de retrouver plus facilement des personnes.

Depuis peu, un outil permettant le traitement et l’indexation des données est disponible librement. Il s’agit d’Opencalais, une technologie rachetée par Reuters et mise à disposition de tous gratuitement. Plusieurs applications sont désormais accessibles au public.

Parmi ces applications, l’une va permettre à l’utilisateur de réunir une liste d’ouvrages disponibles dans Amazon à partir d’un sujet décrit dans Wikipédia. Notons d’emblée que cela n’est possible que parce que les trois systèmes impliqués (Amazon, Wikipédia et Opencalais) sont ouverts aux développeurs qui souhaitent les intégrer à leurs applications.

Que fait le système en question? Quand on entre un terme, il recherche la notice dans Wikipédia et l’analyse. Il en tire une liste des termes essentiels. Il va ensuite dans Amazon pour rechercher les mots-clés correspondant et, s’il y a en a, les ouvrages qui traitent du sujet. En un seul clic, on parvient à obtenir une liste de livres disponibles sur un thème, simplement en exploitant des données déjà existantes.

Bien entendu, le résultat n’est pas encore parfait et les sources de l’imperfection peuvent provenir des trois systèmes. Les articles de Wikipédia sont de qualité inégale et pas toujours bien structurés. Amazon est une librairie en ligne et non pas un outil bibliographique. En ce qui concerne l’outil d’analyse, il génère une liste de termes-clés au moyen d’un algorithme. Dans le domaine du Web sémantique (on l’a déjà vu avec les images), il y a deux options: automatisation via des programmes ou recours à l’intelligence humaine via le crowdsourcing. Les deux méthodes ont leurs avantages et désavantages. Cependant la masse des données déjà disponibles sur Internet rend presque indispensable l’utilisation de programmes d’analyse des données.

http://kapustar.punkt.at/labs/knowledgelounge.org/

lundi 14 avril 2008

Structuration de données collaborative

Dans une encyclopédie, les connaissances sont présentées sous forme d’articles reliés entre eux par des liens ou des mots-clés. Il ne s’agit pas de données structurées. Les encyclopédies se prêtent donc bien à une transposition sur Internet sous forme de wiki, c’est-à-dire un système d’hypertexte collaboratif.

Depuis peu, les données structurées sont aussi devenues compatibles avec le Web 2.0. Il s’agit de données organisées selon un système hiérarchique et avec, pour chaque donnée, des informations obéissant à une certaine structure, des banques de données en somme. Il est désormais possible de publier des données et de participer à leur structuration sur le site Freebase.

http://www.freebase.com/

Sur ce site, il est possible (pour peu que l’on ait ouvert un compte gratuit) de:

  • ajouter des données à des séries déjà existantes. Le système compte actuellement plus de 20′000 livres, 38′000 films, 5000 bâtiments, 1000 vins et 60 fromages (là il y a encore un grand effort à faire).
  • discuter de questions concernant la structuration des données. Parmi les discussions en cours, on peut en relever une consacrée aux types de musées.
  • structurer les données

Freebase est aussi un système ouvert vers l’extérieur. Il est possible d’en réutiliser les données dans des applications, des sites web, des widgets. Parmi les réussites, on peut noter certaines réalisations:

  • Archiportal : Les bâtiments listés et décrits dans Freebase sont représentés sur une carte (Google Map)

    Bâtiments de la ville de Rome présents dans Freebase
  • History of sciences : une frise chronologique présentant les savants qui ont joué un rôle important dans le développement de la science, d’Anaximandre à nos jours. Un lien permet de retourner sur la notice complète dans Freebase.

Ces deux exemples montrent bien que l’un des enjeux du Web actuel est l’interopérabilité entre systèmes. Cela permet de créer des visualisations performantes des données, sur une échelle de temps ou une carte de géographique. Chacun trouve son rôle dans un prochain: ajouter des données, programmer des interfaces, etc …

Cette étape de la structuration des données me semble essentiel. Des quantités incroyables de données ont été numérisées et mises à disposition sur Internet. Il faut maintenant s’occuper de leur gestion. Freebase se nourrit de Wikipédia, car il reprend de nombreuses descriptions, mais il offre une dimension supplémentaire: une hiérarchie , un classement des données.

mardi 8 avril 2008

Les expositions imaginaires du Louvre

Le site Internet du Louvre innove en offrant des expositions en 3D, intitulées “Expositions imaginaires”. Pour l’instant, on peut en admirer trois.

Une salle du Louvre est restituée dans son état de 1913. Elle rassemblait la collection léguée par Louis la Caze. Ces chefs-d’oeuvre sont maintenant dispersés dans le musée. D’où l’intérêt de cette exposition. Les technologies 3D permettent en effet de garder une trace dynamique d’anciens états du musée, offrant une meilleure interactivité que les images. Certains tableaux sont cliquables et permettent d’ouvrir une notice (fonctionnalité qui ne fonctionne pas sur mon Mac).

On peut aussi voir une réunion des oeuvres de Fragonard. Les tableaux sont répartis dans plusieurs salles qu’il est possible de visiter. Là aussi des notices sont disponibles.

Une reconstitution d’une église copte d’Egypte permet de visualiser ce que des fouilles archéologiques ont permis de savoir sur l’histoire de l’édification du bâtiment. On peut découvrir aussi bien l’intérieur que l’extérieur de l’église. Certaines zones sont cliquables. Grâce à un touche, il est possible de voir un autre état de construction de cette église.

Ces visualisations 3D sont accessibles sur le site du musée. Il faut télécharger le plugin 3D Life Player pour lire ces fichiers créés avec Virtools. On navigue dans les reconstitutions 3D à l’aide de la souris ou des touches. On est loin des mondes persistants dans lesquels on peut entrer avec un avatar. L’avantage de la technologie choisie est cependant qu’elle permet l’insertion dans un site Internet, bien qu’elle nécessite l’installation d’un plugin. Elle est donc facilement accessible.

En fait, ce type d’application existe depuis longtemps. Les enjeux de leur utilisation sont à la fois la simplicité d’utilisation pour les visiteurs d’un site et la facilité de mise en oeuvre. Sur les deux plans, des projets importants ont été réalisés ces derniers temps. De plus, le parc informatique a maintenant la puissance nécessaire pour populariser la 3D. Enfin, la 3D devient un référentiel naturel pour un public de plus en plus important: il s’agit notamment de ceux qui, jeunes ou moins jeunes, ont pratiqué les jeux vidéos. Les musées peuvent donc tirer un parti intelligent des possibilités de la 3D.

http://www.louvre.fr/llv/dossiers/liste_ei.jsp?bmLocale=fr_FR

vendredi 4 avril 2008

L’important, c’est de participer

En cette année olympique, la fameuse devise de Pierre de Coubertin est à la mode. Pourtant on ne voit plus guère d’athlètes qui se se rendent aux J.O.”pour participer”. Seule la performance compte maintenant. En revanche l’adage du baron pourrait s’appliquer à Internet.

On parle beaucoup de participation sur le Net, qu’on désigne par l’expression Web 2.0. On l’assimile souvent au narcissisme de la blogosphère ou au culte des amateurs qui aurait cours dans Wikipédia. La participation est cependant un phénomène beaucoup plus complexe. Je me souviens que la première fois que j’ai créé un article dans Wikipédia, je m’étais contentée de composer le texte. Quand je suis revenue voir mon article, quelques jours plus tard, j’ai eu la surprise de constater que quelqu’un avait intégré les liens vers d’autres articles de l’encyclopédie. Cette anecdote montre que la participation ne se confond pas complètement avec la création de contenus. Elle comporte aussi la gestion de ces contenus. En effet, sur les sites participatifs, à côté des auteurs, il y a une foule de petites mains qui corrigent, indexent, améliorent, illustrent les contenus. On trouve aussi des modérateurs volontaires, des numérisateurs de données qui donnent de leur temps pour mettre à la disposition des textes tombés dans le domaine public, des tableaux, des photos. Ces gens n’ont pas de nom, tout au plus un pseudonyme. On ne les remercie jamais. Pourtant, c’est en partie grâce à eux qu’en effectuant une recherche dans un moteur de recherche, on trouve un résultat probant. Si le Web avait dû compter sur des projets officiels, privés ou publics, jamais il ne se serait rempli aussi vite.

Internet est en train de vivre le retour de l’esprit des cathédrales. Cela peut surprendre à notre époque, si empreinte d’individualisme. C’est du reste peut-être par réaction à l’isolement social que cette participation se développe. En travaillant ainsi à un corpus universel des connaissances, on peut se sentir valorisé, même si les fruits de ce travail ne se récoltent pas immédiatement. On a l’impression de participer à une entreprise qui nous dépasse, de poser une modeste pierre sur un édifice essentiel. L’humain a certainement besoin de ce sentiment.

On considère habituellement que les grandes pyramides d’Egypte ont été construites non pas par des esclaves, mais par des hommes libres, en dehors des périodes où ils travaillaient dans leurs champs. On peut se demander qu’est-ce qui les poussaient à s’astreindre à une telle entreprise, d’une extrême pénibilité vu les moyens techniques de l’époque. Il semble que la construction de ces grandes pyramides soit liée à un culte solaire dans lequel le pharaon jouait un rôle essentiel (comme représentant du dieu soleil). Il y avait là une vision partagée par tout un peuple. La construction de la pyramide ne constituerait donc pas l’asservissement des hommes à l’ambition d’un tyran, mais la manifestation d’une conception du monde. En participant à la construction, ces hommes, dont on a oublié le nom, faisaient surgir un édifice qui devait dépasser leur destin singulier pour traverser les siècles. En cela, leurs attentes n’ont pas été déçues, puisque depuis 40 siècles, ces pyramides témoignent de leur passage sur terre.

Pyramides

Aujourd’hui il n’est plus question de traîner des blocs de pierre sur les rampes qui entourent une pyramide. Mais sait-on combien de temps prend la numérisation de livres entiers, de poèmes, d’images? Malgré les scanners, il y a encore beaucoup de travail manuel. Pense-t-on aussi au temps passé par des particuliers à administrer leurs serveurs pour que des internautes puissent venir y glâner des informations? Imagine-t-on le mal que se donnent tous ceux qui contribuent à gérer, améliorer ce que d’autres ont mis? Non seulement tout ce travail n’est pas rétribué, mais bien souvent il coûte encore de l’argent à tous ces inconnus qui enrichissent le Web. C’est donc à juste titre que Time Magazine avait attribué le titre de personnalité de l’année à cette foule d’anonymes. Même si ces derniers n’attendent pas de récompense.

dimanche 30 mars 2008

La Bibliothèque d’Alexandrie

Internet est devenu en quelques années la plus grande masse de données réunie de manière relativement homogène et accessible. Jamais jusqu’alors dans l’histoire de l’humanité, l’accès aux connaissances n’a été aussi aisé de même que leur remixage. Tous ces contenus numérisés peuvent être copiés, retravaillés, trouvés par des moteurs de recherche. La question de la conservation de ces données se pose maintenant, notamment pour les contenus numériques natifs. Cet archivage est très complexe pour plusieurs raisons:
  • les sites Internet changent très souvent
  • les formats des données évoluent sans cesse de même que les logiciels, les supports et les appareils (software, hardware)
  • les volumes nécessaires pour la conservation coûtent très chers, surtout si on souhaite un historique des données

Mais est-il nécessaire de conserver l’ensemble des données disponibles sur Internet? D’une part, tout archivage suppose un tri. Tout n’est pas digne d’archivage. Chaque société est amené à faire des choix dans ce domaine. Bien entendu, c’est risqué car même les critères de choix évoluent. Les historiens s’intéressaient d’abord aux documents officiels, mais cette discipline s’est penchée plus récemment sur la vie quotidienne des populations dont la documentation n’a pas été systématiquement archivée. Il en sera de même pour Internet: qui archivera les centaines de milliers de blogs personnels? Ils pourraient cependant constituer des témoignages intéressants pour des historiens, des sociologues, des linguistes. La lacune n’est du reste pas le pire des maux et bien des méthodes permettent d’en dessiner les traits.

Pour tempérer un peu la crainte de perdre ces données réunies en masse, essayons à nouveau de nous pencher sur le passé. L’incendie de la Bibliothèque d’Alexandrie est considéré comme une des catastrophes majeure de l’Antiquité. Pourtant ce drame doit être remis dans son contexte. Cette institution a été créée par Ptolémée 1er, premier roi grec d’Egypte à la fin du 3ème siècle avant J.-C.. Première constatation, il s’agit bien d’une volonté politique. Ensuite, cette institution ne se limitait pas à une bibliothèque: le Museion accueillait aussi des savants prestigieux qui devaient exploiter la bibliothèque. Quant à la bibliothèque elle-même, tout avait été mis en place pour l’enrichir. Les bateaux abordant dans le port d’Alexandrie devaient remettre leurs documents pour qu’ils soient copiés. La copie était rendue au capitaine et l’original conservé à la Bibliothèque.

La Bibliothèque d’Alexandrie n’était pas un cas unique: toutes les grandes cités de la période hellénistique avait la leur. Il y avait même une émulation, voire une concurrence entre toutes ces bibliothèques. On essayait par exemple d’acquérir des collections d’ouvrages ou d’attirer les meilleurs savants. La principale concurrente d’Alexandrie était Pergame. On raconte que les Alexandrins avaient refusé d’exporter du papyrus égyptien vers Pergame pour mettre à mal les activités de sa bibliothèque. Les gens de Pergame ont donc essayé de trouvé un autre support pour écrire et ont donc inventé le parchemin, fabriqué à partir de peau de bête. Le mot parchemin vient du nom de Pergame et ce support s’imposera au Moyen Âge.

Que constate-t-on durant la période hellénistique? Une circulation et une diffusion importante des connaissances doublée d’une grande activité intellectuelle. Grâce à toutes ces bibliothèques, on a pu faire une synthèse de la culture grecque (en incluant même des cultures voisines). On a revisité les auteurs anciens. Aucune de ces bibliothèques n’a survécu au temps, ni celle d’Alexandrie, ni celle de Pergame. Peu importe donc que César lui ait bouté le feu. L’essentiel est en fait que ces bibliothèques ont existé, que les connaissances et les idées ont circulé. Grâce à cela, nous avons pu conserver des connaissances qui auraient été perdues autrement. Bien entendu, on peut regretter que les savants hellénistiques aient fait des sélections comme les pièces des Tragiques qui méritaient de passer à la postérité. Sans eux cependant, on aurait peut-être perdu l’ensemble de ces oeuvres.

Bibliothèque romaine privée
Crédit : http://www.vroma.org/

N’assiste-t-on pas à un phénomène analogue aujourd’hui? De plus en plus de connaissances sont maintenant accessibles et les efforts de numérisation continuent. En même temps, ces connaissances font l’objet de discussions, de commentaires, de synthèses, de recompositions, d’indexation. Ce qui nous distingue de l’époque hellénistique, c’est le nombre de personnes qui ont accès à ces connaissances, parce qu’elles savent lire et qu’elles ont un appareil leur permettant d’y accéder à disposition. Il y a là un formidable catalyseur de découvertes, de progrès scientifiques, ce d’autant plus que les outils que nous avons à disposition facilitent la collaboration et le partage. C’est ce phénomène qui mérite d’être reconnu aux yeux des générations futures.

Nous avons regardé dans le passé. Plongeons-nous dans le futur maintenant, mais dans celui de la science-fiction. Dans son cycle Fondation, Isaac Asimov pose une question intéressante. Son personnage, Hari Seldon, montre que les civilisations connaissent des cycles de mort et de renaissance. Grâce à une science qu’il a développé, la psychohistoire, il parvient à calculer l’intervalle entre la mort prochaine de sa propre civilisation et celle qui lui succédera. Comme cet intervalle est long (30′000 ans), il se demande comment le réduire. C’est ainsi qu’il crée aux confins du monde deux fondations formées de savants qui ont pour tâche de rédiger l’Encyclopedia Galactica. Cela n’est pas sans rappeler le rôle des Monastères du Moyen-Âge qui ont thésaurisé des connaissances de l’Antiquité pour le plus grand bénéfice de notre culture.

Pour revenir à la question de l’archivage, on voit bien que l’exhaustivité n’est pas requise. Un processus de sélection doit intervenir, qu’il se fasse par un choix conscient ou sui generis (ou une solution hybride). Nous n’en sommes peut-être pas encore là. Pour l’instant, il s’agit de tout mettre sur la table, de faire l’inventaire de nos connaissances, de rediscuter peut-être les critères qui nous permettent de qualifier ces connaissances.